À l’occasion du 65ᵉ anniversaire de l’indépendance du Bénin, Luc Gnacadja partage une ode en hommage à son pays.
Dans ce texte empreint d’émotion, de lucidité et de foi en l’avenir, l’auteur rend hommage à la trajectoire du Bénin — terre d’hospitalité, de luttes, de renouveau démocratique — tout en lançant un appel à l’audace et à la transmission.
Intitulée « Ode à mon pays, le Bénin », cette composition poétique personnelle s’inscrit dans une vision plus large : celle d’un pays debout, mais aussi entreprenant, ouvert sur le monde et maître de son destin.
💾 Télécharger l’ode complète ici : [Ode_au_Benin_65e_anniversaire-1-Page.pdf]
Ode à mon pays, le Bénin
Par Luc GNACADJA

Je ne suis pas béninois parce que je suis né au Bénin,
Mais parce que le Bénin est né en moi.
Je fais mienne cette parole réinventée,
Inspirée du grand Kwame Nkrumah,
Car mon attachement n’est pas affaire de géographie,
Mais d’âme, de mémoire, de responsabilité.
Je suis né enfant de la République du Dahomey,
Devenue Bénin par volonté de renouveau,
Terre d’anciens royaumes et de nouveaux rêves,
Où les présidents d’hier marchent en paix dans les rues d’aujourd’hui,
Et continuent d’y être salués, célébrés, écoutés.
Ce n’est pas rien. Ce n’est pas banal. C’est rare.
Et cela vaut d’être dit haut, avec fierté.
J’ai vu d’autres terres, blessées et saignantes,
J’ai serré la main de Charles Taylor alors qu’il était encore au pouvoir,
Et découvert dans ses gestes l’étrange banalité du mal,
J’ai marché à Freetown dans les camps des « short and long sleeves« ,
Où l’innommable portait des visages d’enfants sans mains,
Amputés pour les empêcher de voter.
Et j’ai pleuré. Oui j’ai pleuré devant l’horreur,
Mais aussi devant la force tranquille de la jeunesse mutilée
Qui continuait de croire en demain.
Oui, l’histoire contemporaine de l’Afrique enseigne
Le destin tragique souvent réservé aux pygmalions.
Mais il est un pygmalion que l’histoire célèbre :
Celui qui, dans une démocratie,
Organise les élections les plus transparentes possibles,
Et passe la main à celui que le peuple a choisi.
Car le pouvoir n’est pas un trône à garder,
Mais un flambeau à transmettre.
C’est pourquoi je salue, avec respect et gratitude,
Le choix du Président de la République de ne pas briguer un 3ème mandat :
Un geste de loyauté à la Constitution, encore trop rare sous nos latitudes.
Ma prière pour toi, ô mon pays,
C’est que 2026, année d’élections générales,
Soit une échéance de maturité démocratique et républicaine,
Un rendez-vous de paix, de concorde,
Un pas de plus dans la construction d’un État apaisé,
Où le choix du peuple ne suscite pas la peur, mais l’espérance.
À ceux qui me demandent lors de mes pérégrinations :
« Where are you from? »
Je réponds sans hésiter :
« I come from the best spot of Africa ».
Et quand l’étonnement se lit dans leurs yeux,
J’ajoute, souriant : « Come and see by yourself. »
Car quand je regarde ta carte, ô Bénin,
Tracée sans toi, sans nous, à Berlin en 1884,
Par des mains étrangères : savaient-elles seulement ce qu’elles faisaient ?
Je vois émerger de l’océan Atlantique non pas une blessure,
Mais une puissance en devenir.
Je vois :
Une clef insérée dans l’Atlantique, pour ouvrir les portes du continent ;
Un arbre, enraciné dans la mer, étendant ses branches vers l’avenir ;
Un poing, levé, victorieux, défiant le sort et les assignations.
Tu as été dessiné par d’autres,
Mais ton destin t’appartient.
Et à 65 ans, l’heure n’est pas à la nostalgie,
Mais à l’audace, à l’invention, à la transmission.
Ô Bénin, je t’aime non seulement pour ce que tu as été,
Mais surtout pour ce que tu es en train de devenir.
Tu es cette promesse fragile et forte,
Cette terre d’hospitalité, de luttes et de rires,
Ce lieu où l’on peut rêver l’Afrique,
Pas seulement debout, mais audacieuse et entreprenante,
Et bâtir un avenir sans renier les racines.
Cotonou, le 30 juillet 2025