Je rêve le Bénin en champion du développement durable

En 1958, Emmanuel Mounier  a pu caractériser le Dahomey d’alors comme étant  »le quartier latin de l’Afrique”. Nombreux sont ceux qui aiment à se gargariser de ce label en trompe l’œil en oubliant que le philosophe français avait aussi ajouté que “cet intellectualisme fait de méchanceté et de mesquinerie est de nature à retarder le développement du pays ». Sous le régime révolutionnaire, il a été question de pays aux “intellectuels tarés”, et plus récemment d’un ”désert de compétences”. Nous devrions nous méfier de toutes ces caractérisations réductrices et nous souvenir que le principal pour impulser le développement d’un pays est et sera toujours son leadership (la tête) et le logiciel de cette tête. 

En réalité, aucun pays ne dispose à un moment donné de toutes les compétences dont il a besoin pour son développement. Développer un pays, c’est investir de façon continue et appropriée pour révéler le capital humain dont il dispose (éducation, santé, environnement, culture …) afin de le mettre à niveau par l’acquisition des compétences nécessaires. En d’autres termes, il s’agit d’investir pour une transformation continue des ressources humaines, principale richesse de toute nation. Obtenir ce à quoi nous aspirons en utilisant au mieux ce dont nous disposons. C’est pour cela que même les pays dits développés continuent toujours de chercher à attirer les meilleurs compétences nécessaires pour leurs secteurs stratégiques.

Alors, dites-moi de quel Bénin rêvez-vous pour les décennies à venir ?  

En bon architecte qui sait avoir les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, moi j’ai fais un rêve éveillé qui apparaît comme une fusée à trois étages que je vous résume ci-après.

Je rêve d’un Bénin dont les citoyens auront réussi à instaurer une vraie culture de la confiance interpersonnelle, de l’efficacité et par conséquent de la redevabilité des institutions publiques.

C’est le cœur de mon rêve, le premier étage (ou étage principale) de la fusée. 

Pourquoi la confiance me direz-vous ?

Et bien parce qu’au sein d’une société d’un pays, d’une nation, la confiance est cette alchimie dont les économistes disent qu’elle favorise la croissance économique, qu’elle est essentielle pour asseoir et faire prospérer un pays. Nous devons vaincre la fatalité de la culture de défiance, façon « Gbeto da … » (l’homme est mauvais, il faut s’en méfier) dans laquelle nous baignons. La confiance est un vecteur de croissance et un facteur de cohésion sociale, de sentiment d’appartenance à une communauté de destin. « La confiance constitue avant tout une espérance de fiabilité dans les conduites humaines. Accorder sa confiance est un choix éminemment personnel. » 

Mais la confiance est aussi une composante du capital social. « On ne naît pas confiant ou coopératif, on le devient ». On l’acquiert par l’éducation, la culture et surtout par l’exemple et la pratique sociale de ceux qui gouvernent.

L’existence ou la mise en place d’un système fiable d’accès à l’information est essentielle à l’instauration de la confiance dans un contexte de gouvernance publique. « Fiabilité et confiance se renforcent alors mutuellement. » La confiance est à la source de valeurs comme l’amour de la patrie, la dignité qui constituent le liant des pays prospères.

Que nous apprenions par exemple à reconnaître, admettre et célébrer le mérite, le succès ou la réussite de l’autre, pouvoir reconnaître et dire que le chat de mon voisin sait bien attraper des souris ne diminue en rien mon mérite potentiel.

Comme pour tout bon lanceur moderne, la fusée de mon rêve possède deux propulseurs d’appoint que voici.

Pour la décennie que nous venons d’entamer, je rêve le Bénin en champion du développement durable

Que le Bénin en 2030 figure parmi les 5 pays au monde à avoir le plus de progrès en matière de réalisation de nos cibles nationales pour les Objectifs de Développement Durable (ODD) en particulier dans l’accès des populations aux services de base comme l’eau, l’électricité, l’éducation, la santé, l’énergie et les services numériques (pandémie de la COVID19 a convaincu les plus sceptiques que l’accès à Internet est désormais un service de base essentielle pour la résilience des populations).

Un pays dont l’économie aura victorieusement absorbé le choc du COVID19 pour connaître une croissance encore plus forte, plus durable et surtout plus inclusive. Il a fallu six décennies pour que le Bénin quitte la catégorie des PMA pour intégrer celle des pays dits à revenus intermédiaires parce que son revenu par habitant est passé de 870 US à 1250 US. Je souhaite qu’avant la fin de la présente décennie mon pays accède à la tranche au-dessus dans cette catégorie.

Un pays qui aura réussi à libérer les énergies et les initiatives de ses filles et fils pour créer de la richesse en particulier en stimulant les investissement acteurs économiques dans toutes les communes du territoire, et générer des emplois durables pour sa jeunesse.

Un pays qui aura davantage réalisé le potentiel de son agriculture par son attractivité pour les jeunes, sa modernisation et la transformation de sa production au moyen de l’agrobusiness afin d’en capter aussi la valeur ajoutée. Notre agriculture génère actuellement plus de 25% du PIB national, plus de 60% des exportations et des emplois, mais reçoit moins de 3% des financements bancaires. 

Que nous parvenions par ricochet à éradiquer l’extrême pauvreté : la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté reste de l’ordre de 40%. 

Et que, gouvernance inclusive oblige, le Bénin cesse de figurer parmi les derniers de la classe en Afrique en ce qui concerne l’accès des femmes aux responsabilités politiques électives ou non. Pensez que nous avons à peine 4% de femmes parmi les élus communaux de la 4ème mandature.

Et pour le futur proche …

De nos jours, au Bénin comme un peu partout en Afrique, “La démocratie est à l’épreuve de l’urgence du développement” comme l’a résumé Me H. Bokpè-Gnacadja lors d’un débat sur le bilan des 60 ans d’indépendance au Bénin. Et pourtant il ne saurait y avoir de tension entre les finalités, modalités et instruments des concepts de démocratie et de développement que quand ils sont instrumentalisés par les dirigeants politiques ; la démocratie étant, pour paraphraser Abraham Lincoln, le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le bien-être du peuple.

Pour le futur proche, je rêve que mon pays est parvenu à :

  • Résorber la crispation politique née du processus de modification de la constitution et de la réforme du système partisan, à restaurer la confiance dans les institutions politiques issues des récentes élections et à réussir les prochaines échéances dans la concorde nationale ;
  • Décentraliser afin d’impulser le développement des territoires. Cela nécessite de réformer l’Etat et son administration centrale à l’aune du principe de subsidiarité qui est le principe fondateur de la décentralisation. Car l’histoire de l’émergence des nations nous enseigne que pour qu’un un pays soit bien gouverné par un Etat fort stratège et efficace, il faut que cet Etat soit bien décentralisé. 

Le Bénin avance. Il avancera encore plus loin et de façon durable si nous faisons converger nos énergies. Ce rêve je souhaite que nous puissions le vivre. Je vous invite à entrer dans une telle espérance et à travailler pour son avènement.

Bonne Fête de l’Indépendance à chacun et à tous.

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